lundi 5 août 2013

Certaines n’avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka


L’écriture de Julie Otsuka est puissante, poétique, incantatoire. Les voix sont nombreuses et passionnées. La musique sublime, entêtante et douloureuse. Les visages, les voix, les images, les vies que l’auteur décrit sont ceux de ces Japonaises qui ont quitté leur pays au début du XXe siècle pour épouser aux États-Unis un homme qu’elles n’ont pas choisi.
C’est après une éprouvante traversée de l’océan Pacifique qu’elles rencontrent pour la première fois celui pour lequel elles ont tout abandonné. Celui dont elles ont tant rêvé. Celui qui va tant les décevoir. 
À la façon d’un chœur antique, leurs voix se lèvent et racontent leur misérable vie d’exilées… leur nuit de noces, souvent brutale, leurs rudes journées de travail, leur combat pour apprivoiser une langue inconnue, l’humiliation venue des Blancs, le rejet par leur progéniture de leur patrimoine et de leur histoire… Une véritable clameur jusqu’au silence de la guerre. Et l’oubli.

Au premier abord, ce livre peut paraître déroutant. En effet, le style de Julie Otsuka est très particulier puisqu’elle emploie le "nous" pour raconter l’histoire de ces Japonaises qui ont émigré aux Etats-Unis après avoir été mariées à des hommes qu’elles n’ont jamais rencontrés, ne les connaissant que par les lettres et photos reçues. Elle nous parle de ces femmes qui ont été choisies parce que "…nous étions presque toutes vierges…" "nous étions dans l’ensemble des jeunes filles accomplies,  persuadées que nous ferions de bonnes épouses". Elles avaient des rêves de vie meilleure. Mais la réalité fut tout autre, leurs maris sans grande éducation, pouvaient se montrer brutaux et contrairement à leurs écrits, ils n’étaient que simples manœuvres, ouvriers agricoles ou employés dans de grandes maisons. Mais ces femmes ont toujours gardé la tête haute malgré une vie dure faite de labeurs et de misères. Elles étaient confrontées au racisme, à la ségrégation et ont vu leurs enfants grandir en reniant leur culture japonaise, américanisant même leur prénom. Mais en dépit de tout, elles resteront dignes tout au long de leur pauvre existence et malgré Pearl Harbour qui marquera leur déportation vers des "centres d’accueil". Et c’est là où le "nous" de Julie Otsuka prend toute sa valeur : il donne une émotion sans pareil au récit de toutes ces femmes et rend inutile l’histoire d’une seule. Sa narration les rend d’autant plus touchantes que toutes ces femmes ont été oubliées par l’Histoire. Je me suis laissée doucement bercée par la musicalité de ce roman magnifique qui m’a émue aux larmes.

2 commentaires:

  1. Ca fait un moment que ce titre est dans ma wish-list, je devrais peut-être me le procurer rapidement !!

    RépondreSupprimer
  2. Sans aucune hésitation : lis-le, c'est un véritable moment d'émotion. Pour ma part je vais me procurer son premier livre "Quand l'empereur était un dieu", je te dirai ce qu'il en est.

    RépondreSupprimer