samedi 18 août 2012

Mangez-le si vous voulez - Jean Teulé


Nul n’est à l’abri de l’abominable. Nous sommes tous capables du pire ! Le mardi 16 août 1870, Alain de Monéys, jeune périgourdin, sort du domicile de ses parents pour se rendre à la foire de Hautefaye, le village voisin. C’est un jeune homme plaisant, aimable et intelligent. Il compte acheter une génisse pour une voisine indigente et trouver un couvreur pour réparer le toit de la grange d’un voisin sans ressources. Il veut également profiter de l’occasion pour promouvoir son projet d’assainissement des marais de la région. Il arrive à quatorze heures à l’entrée de la foire. Deux heures plus tard, la foule devenue folle l’aura lynché, torturé, brûlé vif et même mangé. Comment une telle horreur est-elle possible ? Comment une population paisible (certes angoissée par la guerre contre l’Allemagne et sous la menace d’une sécheresse exceptionnelle) peut-elle être saisie en quelques minutes par une telle frénésie barbare ? Au prétexte d’une phrase mal comprise et d’une accusation d’espionnage totalement infondée, six cents personnes tout à fait ordinaires vont pendant deux heures se livrer aux pires atrocités. Rares sont celles qui tenteront de s’interposer. Le curé et quelques amis du jeune homme s’efforceront d’arracher la malheureuse victime des mains de ces furieux et seule Anna, une jeune fille amoureuse, risquera sa vie pour le sauver.
Incapable de condamner six cents personnes d’un coup, la justice ne poursuivra qu’une vingtaine de meneurs. Quatre seront condamnés à mort, les autres seront envoyés aux travaux forcés. Au lendemain de ce crime abominable, les participants hébétés n’auront qu’une seule réponse : « Je ne sais pas ce qui m’a pris. »
Avec une précision redoutable, Jean Teulé a reconstitué chaque étape de cet atroce chemin de croix qui constitue l’une des anecdotes les plus honteuses de l’Histoire du XIXe siècle en France.

Cette histoire, tirée d’un fait divers réel, est tout simplement inimaginable. Elle m’a laissé totalement abasourdie, comment un tel déchaînement de violence contre une seule et même personne est-il possible ? Jean Teulé nous retrace étape par étape (un croquis illustre chaque chapitre) l’horrible chemin de croix de Alain de Monéys, jeune Périgourdin apprécié de tous et qui va se faire lynché, brûlé et mangé par une foule devenue complètement folle. Le départ de la cette folie ? une simple phrase mal interprétée, elle va engendrer le défoulement d’une foule frustrée par le conflit franco-prussien, la sécheresse qui met leur vie en péril et accentué par l’alcool. Les amis de Monéys essaient de faire tout ce qu’ils peuvent pour le sauver, pour essayer de ramener cette foule à la raison, lui-même tente de leur rappeler qui il est, mais tout ça est vain, la folie qui s’est emparée de ces gens est la plus forte et rien ni personne ne pourra changer le destin tragique ce héros ordinaire face à la folie meurtrière de gens tout aussi ordinaires. Sur les 600 protagonistes, seulement 21 seront jugés, et aucun d’entre eux ne sera capable d’expliquer ce déchaînement insensé, et même si 4 d’entre eux seront condamnés à  mort, le tout laisse un sentiment non seulement d’angoisse mais aussi d’incompréhension. Le style de Jean Teulé, presque « léger » renforce le côté dérangeant de ce fait divers : de banals humains des plus ordinaires peuvent se transformer en monstres sanguinaires sous l’influence d’une folie collective… Un récit que j’ai lu d’une seule traite et qui ne m’a pas laissée indifférente, loin s’en faut !

mercredi 15 août 2012

Visions - Lisa Jackson


Terrifiée par un cauchemar qui l’a plongée avec un réalisme saisissant au beau milieu d’une scène de meurtre, Olivia Benchet se réveille en sursaut, le cœur battant. Elle est seule, pourtant, dans cette maison du bayou, près de La Nouvelle-Orléans, où elle est venue s’installer. Seule, mais avec une certitude atroce : les images du crime auquel elle vient d’assister étaient trop précises pour n’être que celles d’un cauchemar. Cette scène est bien réelle, elle en est sûre. Tellement sûre que, contre toute logique, elle décide d’aller trouver l’inspecteur Rick Bentz, un personnage solitaire et secret dont elle gagne peu à peu la confiance. Pourtant, malgré l’aide et la protection de Bentz, Olivia doit affronter seule les visions nocturnes qui continuent de la hanter, des visions qui la mettent peu à peu dans les pas de l’assassin. Mais elle est loin de deviner que celui-ci est justement en train de se concentrer sur elle, comme sur une proie…

Le titre et la quatrième de couverture m’ont attirée et je me suis laissée happer par une intrigue au rythme soutenu, avec des rebondissements et des fausses pistes. Lisa Jackson nous offre une palette de personnages au caractère bien trempé, certains d’entre eux deviennent même des suspects potentiels au fil des pages. Le sujet de l’enquête est assez singulier : un tueur en série fait subir à des femmes les mêmes supplices qui ont été infligés à certaines Saintes de la religion catholique, et il choisit les plus violents et les plus glauques. Face à lui, Olivia Benchet et Rick Bentz. L’une à des visions des crimes et l’autre, le flic pur et dur, est là pour résoudre l’enquête. Derrière le « classique » de la situation, on découvre des personnages plus complexes que les apparences pourraient laisser penser. Les relations qu’entretient Olivia Benchet avec les hommes n’est pas des plus simples, tout comme celles qu’entretient Bentz avec les femmes… Ces deux là étaient faits pour se rencontrer ! Il est vrai que la romance entre les deux n’apporte pas grand chose à l’intrigue mais elle « adoucit » le climat du roman, et permet au lecteur de souffler un peu. Et si au fil des pages on pense deviner l’identité du serial killer, il n’en est rien, il faudra attendre la fin pour le découvrir dans une scène des plus apocalyptiques !

dimanche 12 août 2012

Frictions - Leigh Redhead


Lorsqu'une jeune prostituée se tranche les veines dans sa baignoire tout le monde conclut à un suicide, évidemment. Mais lorsque la jeune femme en question est Tamara Wade, la fille adoptive de l'éminent avocat Emery Wade, les choses se corsent.
Un ancien client de Tamara contacte Simone Kirsch, ex-strip-teaseuse devenue détective privé, et lui demande de mener l'enquête. Grâce aux contacts qu'elle a gardés dans le milieu, cette dernière pénètre aisément les salons de massage très spéciaux dans lesquels officiait la victime. Elle y interroge ses amis(e)s et se rend compte que la jeune femme était aux prises avec la mafia locale. Une sombre histoire de dettes… Dès lors l'enquête prend une autre tournure. Et si Tamara était allée chercher l'argent là où il se trouve ? Chez son cher papa, par exemple – tellement soucieux de protéger sa réputation et celle de sa famille…
Bientôt en ligne de mire des ennemis de Tamara, Simone s'entoure de deux policiers dont l'un ne tarde pas à devenir un peu plus qu'un simple confrère…


Après « Génésis », je ne savais pas trop vers quoi me tourner, je suis tombée sur ce livre et je me suis dit « pourquoi pas ? ». J’avais envie d’en savoir un peu plus sur cette héroïne ancienne strip-teaseuse (comme l’auteure…). Dès la première page, on entre dans cet univers plutôt sulfureux des salons de massage, avec ses personnages stéréotypés mais pas dénués d’intérêt et rapidement l’intrigue se met en place. Simone Kirsch est vraiment un personnage hors du commun : c’est une ancienne strip-teaseuse plutôt « hot » qui mêle joyeusement alcool et sexe, son côté « Gaston Lagaffe » apporte une touche d’humour à l’histoire et elle reste malgré tout très « fleur bleue ». Elle est entourée d’une équipe décalée qui nous fait passer des moments assez truculents ! Si au départ, le langage plutôt cru et les scènes de sexe me semblaient superflus, je dois avouer qu’il n’en est rien, cela nous permet de mieux cerner l’héroïne. L’intrigue n’est pas exceptionnelle, mais les dialogues, l’humour, les personnages décalés font de ce roman un petit régal à consommer sans modération !

Génésis - Karin Slaughter



Quelqu’un l’a torturée…
Torturée longuement…
L’ancien médecin légiste de Grand County, Sara Linton, travaille depuis trois ans dans un grand hôpital, à Atlanta, et essaie de reconstruire sa vie. Quand arrive aux urgences une femme très grièvement blessée, elle se retrouve plongée dans le monde de la violence et de la terreur.
L'inspecteur Will Trent du Georgia Bureau of Investigation, dépêché sur les lieux, va découvrir que la patiente de Sara est la première victime d'un tueur sadique, d'un esprit dérangé.


Retirant l'affaire à la police locale, Will et sa co-équipière Faith Mitchell vont traquer le tueur. Sara, Will et Faith — avec leurs propres blessures et leurs secrets — sont les seuls à pouvoir analyser le cerveau d'un tel détraqué et l'empêcher de perpétrer ses abominables meurtres.
Karin Slaughter nous offre une fois de plus une intrigue impeccablement tissée, à la fois roman à suspense, polar psychologique et portrait cru de la vie de flic...

J’avais dit que je laissais de côté pour l’instant les livres plutôt gores, je me suis fait une cure de Susan Hill, c’était parfait. Mais là, stupeur et damnation ! On entre directement dans le vif du sujet ! Et je dois dire que ma bonne résolution est partie en fumée ! L’action se déroule sur un temps très court, et on retrouve les mêmes personnages que dans « Irréparable », Will et Faith, et aussi Sara qui est maintenant médecin aux urgences de l’hôpital (personnage des « Grant County »).
Ces personnages ont bien évolué depuis « Irréparable » : Will est séparé d’Angie, il est toujours ce super flic tout en retenue, camouflant du mieux qu’il peut sa dyslexie, mais il arrive toujours à ses fins. Faith est séparée de Victor mais se retrouve enceinte et en plus, elle est diagnostiquée diabétique niveau 2, pas vraiment ce qu’elle attendait. Quant à Sara, on la retrouve totalement brisée après la mort de son mari, elle donne l’impression de survivre dans un état second… Et ces trois personnages se retrouvent face à une enquête difficile mettant en scène un serial killer des plus sadiques. On est confrontés à la perversité de ce tueur, et peu à peu aussi à son intelligence, car les enquêteurs se retrouvent sans aucune piste, et face à des profils de victimes assez particuliers. Ces femmes sont toutes décrites comme antipathiques, totalement dénuées de sentiment et profondément égoïstes. Comme toujours, l’intrigue, très bien ficelée, est menée tambour battant, ne nous laissant aucun répit, mêlant astucieusement l'enquête et la psychologique des personnages.
Encore une fois Karin Slaughter nous offre un roman parfait : les personnages sont des héros complexes, fragiles et tellement attachants. L’intrigue est toute en finesse et si la personnalité des victimes est dérangeante, elle vient apporter ce petit plus qui donne au roman ce style bien particulier. Et si ce qui m’est venu à l’esprit la dernière page tournée a été « ouf ! » j’attends le prochain avec impatience! 

dimanche 5 août 2012

La mort a ses habitudes - Susan Hill




A quelques semaines de la grande fête locale, un sniper terrorise la paisible ville de Lafferton. Une toute jeune mariée qui attend le retour de son époux, la maman célibataire d'un bébé de dix-huit mois, deux adolescentes à l'entrée d'une boîte de nuit... D'un bout à l'autre de la ville, un homme armé tue des jeunes femmes, froidement, sans laisser le moindre indice derrière lui. Quel est le lien entre les agressions? Y en a-t-il seulement un? Jamais le commissaire Simon Serrailler, en charge de l'affaire, n'a démarré une enquête avec si peu d'éléments et dans une telle tension professionnelle et personnelle... En même temps, il doit faire face à la tragédie qui frappe l'être dont il est le plus proche au monde: sa sœur Cat. Des personnages plus vrais que nature, un suspense millimétré, sans oublier l'irrésistible Simon Serrailler qui, dans cette nouvelle enquête, nous conquiert définitivement : Susan Hill au meilleur de son art.

Encore un roman de Susan Hill me direz-vous ? Et bien oui ! et c’est celui que je préfère de tous ceux que j’ai lus jusqu’à présent.
Comme dans les précédents romans, l’intrigue policière est imbriquée dans la vie de la famille Serrailler et tous les personnages qui gravitent autour se croisent à un moment ou à un autre. Nous découvrons le tireur, ses pensées les plus secrètes, son lent cheminement vers sa folie, mais sans jamais avoir un indice sur son identité. En parallèle, nous partageons la vie de Simon Serrailler, de sa famille, leurs peines, leurs doutes, leurs espoirs aussi. Susan Hill s’attache à décrire des personnages complexes et réalistes, et si le côté « roman » prend parfois le dessus sur l’intrigue policière, le suspense est là et bien là au détour de la page. Le personnage de Cat, la sœur de Simon, s’est étoffé par rapport au dernier roman : elle est médecin, son mari aussi mais il est atteint d’une maladie incurable ; leurs certitudes de professionnels face à cette maladie s’écroulent complètement, ils deviennent de simples patients et eux qui se sentaient tellement confiants dans leur savoir, dans leur façon de réconforter leurs patients, sont totalement impuissants à surmonter cette épreuve. On retrouve cette ambiguïté des sentiments pour d’autres personnage et cela donne un côté encore plus réaliste à l’atmosphère et c’est peut-être ce petit « plus » qui fait que j’ai une préférence pour ce roman. Je le trouve « diablement » bien écrit et construit de façon à nous tenir en haleine du début jusqu’à la fin, on est complètement « accro » aux personnages et je n’ai qu’une hâte : lire « les ombres de la rue », la suite des aventures de Simon Serrailler !