mardi 25 juin 2013

Challenge « GIEBEL OR NOT GIEBEL »

Bookenstock organise un mini challenge pour cet été autour de Karine Giebel. Je n'ai rien lu de cette auteure mais elle m'a été fortement conseillée par Licorne, donc je me lance dans ce challenge. Pour s'inscrire, c'est simple :

Deux catégories pour s’inscrire :
> La catégorie «amateur» pour ceux qui n’ont jamais lu un roman de Karine.
> La catégorie «pro» pour ceux qui en ont déjà lu au moins un.
Les grades : 
> «Goûteur» = 1 roman
> «Gourmand» = 2 romans
> «Boulimique» = plus de 2 romans

A bientôt pour comparer nos lectures ! 



http://bookenstock.blogspot.fr/2013/06/challenge-giebel-or-not-giebel.html

Tes dernières volontés, Laura Lippman


Eliza Benedict mène une existence heureuse dans sa belle maison de la banlieue de Washington. Elle est une jeune mère proche et attentive pour ses enfants Izobel et Albie. Pourtant, lorsqu’Albie lui apporte un matin la lettre qu’il vient de trouver sous la porte, elle sait bien qu’elle ne leur a pas tout dit. Car cette lettre lui est adressée par Walter Bowman, un homme qui l’a kidnappée quand elle avait quinze ans, un prédateur qui avait déjà tué au moins une autre femme au moment où il a croisé son chemin.
Aujourd’hui condamné à mort pour les meurtres d’autres jeunes filles, il attend son exécution dans le couloir de la mort d’une prison de la côte Est. Mais avant de mourir, il veut parler à Eliza. Il est prêt à tout pour la voir, il dit qu’il a des révélations à lui faire. Ecartelée entre son désir de protéger à tout prix sa nouvelle vie et sa volonté de savoir enfin pourquoi elle a été la seule fille que Walter ait relâchée, Eliza va devoir affronter ses souvenirs. Même ceux qui dissimulent peut-être une vérité qu’elle n’aurait jamais voulu connaître…

J’avais aimé « Ce que savent les morts » de la même auteure, mais là, je ne suis pas vraiment emballée. Eliza, le personnage central, est trop attentiste à mon goût. Walter Bowman, l’homme qui l’a kidnappée et violée alors qu’elle avait 15 ans, est dans le couloir de la mort et il reprend contact avec elle car il a des révélations à lui faire et il veut la rencontrer. On pourrait penser que l’on va être entraîner dans un suspense psychologique, mais non, Eliza ne se pose qu’une question « pourquoi m’a-t-il laissée en vie, moi, et pas les autres filles qu’il a enlevées ? » et continue le train-train de sa vie quotidienne, faisant face aux soucis que rencontrent ses enfants. Tout au long du livre, elle ne décide de rien, elle fait ce que l’on attend d’elle, elle laisse les autres prendre sa vie en main et se laisse porter par les événements. A contrario, Trudy Tackett, la mère de Holly, une autre jeune fille tuée par Bowman, a en elle un sentiment d’injustice qui la fait survivre, elle n’a qu’un but dans la vie : l’exécution de Bowman. Quand elle apprend qu’Eliza a des contacts avec lui, elle cherche à la rencontrer car elle ne veut surtout pas qu’Eliza puisse d’une façon ou d’une autre faire annuler l’exécution. Elle est tout le contraire d’Eliza, c’est une femme en colère, qui veut que justice soit faite.
J'ai lu "Tes dernières volontés" sans grand enthousiasme car je n’ai pas trouvé le petit quelque chose qui me fait dévorer un livre sans aucune modération… 




jeudi 30 mai 2013

L'hypnotiseur, Lars Kepler


Erik Maria Bark, un psychiatre spécialisé dans le traitement des chocs et traumas aigus, a longtemps été l’un des rares véritables experts de l’hypnose médicale. Jusqu’au jour où une séance d’hypnose profonde a mal, très mal tourné. Sa vie a frôlé l’abîme et, depuis, il a promis de ne plus jamais hypnotiser. Dix années durant, il a tenu cette promesse. Jusqu’à cette nuit où l’inspecteur Joona Linna le réveille. Il a besoin de son aide. Josef, un adolescent, vient d’assister au massacre de sa famille. Sa mère et sa petite sœur ont été poignardées, mutilées et dépecées sous ses yeux. Le corps lardé de centaines de coups de couteau, Josef vient d’être hospitalisé, inconscient et en état de choc. Mais il est le seul témoin du carnage et Joona Linna, pris dans une course contre la montre, veut l’interroger sans tarder. Car tout indique que l’assassin est maintenant aux trousses de la sœur aînée de Josef, mystérieusement disparue. Et pour lui, il n’y a qu’une façon d’obtenir un quelconque indice de l’identité du meurtrier : hypnotiser Josef. Tandis qu’il traverse un Stockholm plus sombre et glacial que jamais, Erik sait déjà que, malgré toutes ses protestations, il brisera sa promesse pour tenter de sauver une vie. Ce qu’il ne sait pas, c’est que la vérité que porte Josef va changer sa vie. Que son fils est sur le point d’être enlevé. Et qu’en réalité, c’est pour lui que le compte à rebours vient de commencer. Intrigue implacable, rythme effréné, richesse et complexité des personnages, écriture au cordeau, tout concourt à faire de L’Hypnotiseur un thriller unique. La première enquête de l’inspecteur Joona Linna fait date.

J’ai eu un peu de mal à entrer dans l’histoire, je trouvais qu’il y avait trop de longues descriptions, que le rythme n’était pas assez soutenu. Et puis je me suis laissée portée par l’intrigue, et là, je n’ai pas pu lâcher le livre. 
Les personnages sont très complexes avec une très forte personnalité. On voit Erik, le psychothérapeute, se débattre avec ses addictions, il essaye de retrouver la confiance de sa femme Simone et d’être le père que son fils rêve d’avoir. La relation qu'il entretient avec Simone a été fragilisée par l'infidélité d'Erik par le passé mais l'enlèvement de leur fils Benjamin les oblige à s'apprivoiser à nouveau, à se refaire confiance, pour être sûrs d'avoir une chance de retrouver Benjamin. De l’autre côté, on trouve Joona Linna, le flic entier, qui suit son instinct, qui ne lâche jamais prise. Et au milieu, deux enquêtes et pas des moindres : le massacre de toute une famille et l’enlèvement de Benjamin. Si au départ, les deux enquêtes semblent liées, elles continuent l’une en parallèle de l’autre. Le passé prend le pas sur le présent, et l’intrigue s’installe peu à peu, emportant le lecteur dans les profondeurs de la folie humaine. Les descriptions des scènes d’hypnose collective donne de la densité à l’intrigue, la tension entre les personnages est omniprésente. On attend avec impatience de voir les patients entrer dans leur « maison hantée » pour essayer de comprendre comment et pourquoi ils sont arrivés là tant ils sont effrayants dans leur « folie ». Lars Kepler nous entraîne sur de fausses pistes, nous laissant pantelants sur le bord de la route pour mieux nous emporter vers une fin sanglante.
Ce thriller écrit à quatre mains (Lars Kepler est le pseudonyme du couple d’écrivains Alexander et Alexandra Abudoril) est la première enquête de Joona Linna et j’attends avec impatience la seconde à paraître.



Les Lames, Mo Hayder


Depuis qu’une adolescente des environs a été retrouvée assassinée, la ville de Bath est en proie à la panique. Sally ne peut s’empêcher de trembler pour sa fille de quatorze ans, Millie, qu’elle élève seule. Car la jeune fille est en danger.
Elle subit le chantage d’un dealer qui lui réclame une somme faramineuse. Pour l’aider à rembourser sa dette, Sally, jusqu’alors femme au foyer, accepte de devenir la gouvernante d’un homme richissime à la tête d’un empire pornographique.
C’est pour elle le début d’une descente aux enfers dans laquelle sa soeur Zoe, inspecteur de police à Bath avec qui elle n’est plus en contact depuis des années, s’apprête à la rejoindre.
Grande manipulatrice, Mo Hayder maîtrise à la perfection fausses pistes et rebondissements et offre à son lecteur un thriller captivant, parsemé de visions d’horreur.


Tout commence par la disparition d’une jeune fille de bonne famille et les répercussions de cette disparition ne se font pas attendre… Dans l’entourage immédiat de la jeune fille, on s’aperçoit vite que la réalité n’a rien à voir avec les apparences. Et puis, la question se pose de savoir jusqu’où peut aller une mère pour sauver son enfant. Car Sally, qui jusqu’à présent jouait le rôle que tous attendaient d’elle, bonne mère, bonne épouse, se retrouve après son divorce, confrontée à la vraie vie et à partir de là, son existence va prendre un tournant qu’elle ne pouvait même pas imaginer. Elle doit faire face à des individus qui n’ont aucun état d’âme et qui lui laissent entrevoir un monde bien loin de son univers. Tout ça pourrait paraître banal, mais Mo Hayder sait entourer le tout d’une noirceur absolue qui fait sombrer le quotidien et les personnages dans le glauque et le sordide. Le second personnage phare du roman est Zoe la sœur de Sally, la détective en charge de l’enquête sur la disparition. Zoe est un flic totalement amoral, qui ne soucie ni des règlements ni de ceux qui tentent de les faire appliquer. Elle est autodestructrice et ne peut avoir un comportement « normal » avec les hommes en particulier, et le reste du monde en général. Sally et Zoe ne se côtoient plus depuis plusieurs années car entre elles existe un lourd passif familial qui s’est enlisé au fil du temps dans les « non-dits ». Sally admire Zoe et Zoe se sent coupable d’un fait qui s’est déroulé quand elles étaient enfants, mais surtout ce qui domine leur relation, c’est l’incompréhension et cette enquête va leur permettre de se retrouver et de se comprendre. Le plus de leur relation, c’est que l’enquête se suit du côté de Zoe et de celui de Sally, nous entraînant dans une spirale qui fait froid dans le dos. Les autres personnages qui gravitent autour d’elles, que ce soit le pornographe, le garde-chasse, le dealer ou encore le collègue de Zoe, nous entraînent sur de fausses pistes sans jamais nous faire lâcher prise. Du grand art à chaque page ! Quant à la fin, c’est le summum : c’est diabolique à souhait et j’ai refermé le livre glacée d’effroi !
Si Les Lames n’est pas aussi sanglant et gore que la majorité des romans de Mo Hayder, c’est un thriller sans temps morts, qui captive de la première à la dernière page. A ne pas rater !








dimanche 21 avril 2013

Froid mortel, Johan Theorin


Il y a pire qu’être enfermé dans la Clinique...
... ne pas pouvoir y pénétrer.
Une école. Un centre de détention psychiatrique. Entre les deux, un couloir souterrain... que les enfants franchissent régulièrement pour rendre visite à leur parent interné. Jan Hauger, qui a réussi à se faire embaucher au sein de ce dispositif expérimental étroitement surveillé, ne rate pas une occasion d’être leur accompagnateur. Mais que cherche-t-il ? Et que se passe-t-il réellement dans les sous-sols obscurs et labyrinthiques de la clinique ? Irrésistiblement attiré par des criminels dangereux et des malades incurables, ne risque-t-il pas de passer définitivement de l’autre côté ?
Virtuose des climats troubles et envoûtants, Johan Theorin remonte le fil d’un passé lourd de secrets. Un thriller sombre, machiavélique et implacable.

Un seul mot pour résumer ce livre : angoissant. Tout commence par l’embauche de Jan Hauger, puériculteur, dans une école maternelle un peu spéciale, puisqu’elle jouxte un hôpital psychiatrique. Les enfants de cette école sont les enfants des malades enfermés dans l’hôpital, et si Jan se fait embaucher, c’est parce qu’il cherche à entrer en contact avec l’un des patients. Les retours en arrière nous font découvrir qui il est réellement, comment et pourquoi il est arrivé dans cette école, s’il est le anti héros par excellence, il n’est pas ce type un peu niais que l’on pourrait croire. Tout est parfaitement calculé dans ce qu’il entreprend, et on le suit arpentant les sous-sols de l'hôpital avec la même angoisse que lui. Les autres protagonistes de l’histoire n’ont rien à lui envier, Hannah et Lilian sont poursuivies par leur passé, elles sont engluées dans un présent qu’elles subissent plus qu’elles ne le vivent. Tout est glauque à souhait et on se laisse entraîner dans une intrigue ficelée au millimètre avec la peur au ventre qui est là, omnisprésente. Tous sont sûrs de maîtriser leur destin, mais on s’aperçoit qu’ils sont tous manipulés par un bien plus méchant et bien plus intelligent qu’eux. Et quand arrive la fin, on reste abasourdis et en même temps soulagés que ça se termine, mais tout n’est peut-être pas vraiment fini… 


mercredi 3 avril 2013

Le tailleur de pierre, Camilla Läckberg




"La dernière nasse était particulièrement lourde et il cala son pied sur le plat-bord pour la dégager sans se déséquilibrer. Lentement il la sentit céder et il espérait ne pas l'avoir esquintée. Il jeta un coup d'oeil par-dessus bord mais ce qu'il vit n'était pas le casier. C'était une main blanche qui fendit la surface agitée de l'eau et sembla montrer le ciel l'espace d'un instant.
Son premier réflexe fut de lâcher la corde et de laisser cette chose disparaître dans les profondeurs..."
Un pêcheur de Fjällbacka trouve une petite fille noyée. Bientôt, on constate que Sara, sept ans. a de l'eau douce savonneuse dans les poumons. Quelqu'un l'a donc tuée avant de la jeter à la mer. Mais qui peut vouloir du mal à une petite fille ?
Alors qu'Erica vient de mettre leur bébé au monde et qu'il est bouleversé d'être papa. Patrik Hedström mène l'enquête sur cette horrible affaire. Car sous les apparences tranquilles. Fjällbacka dissimule de sordides relations humaines - querelles de voisinage, conflits familiaux, pratiques pédophiles - dont les origines peuvent remonter jusqu'aux années 1920. Quant aux coupables, ils pourraient même avoir quitté la ville depuis longtemps. Mais lui vouer une haine éternelle.

J’ai vraiment adoré ce troisième opus de Camilla Läckberg et j’ai retrouvé avec plaisir les protagonistes fétiches de l’auteure et le style fluide de l’ensemble.
Tout commence par cette petite fille retrouvée noyée et l’on se demande quel est le rapport entre cette macabre découverte et le récit de la vie d’un tailleur de pierres qui commence en 1923. Là est tout le suspens distillé au fil des pages, avec ces retours en arrière sur la vie de Agnes et de son mari Anders, le tout dans des chapitres très courts qui nous laissent sur notre faim à chaque fois. Le tout est remarquablement bien construit, on passe du passé au présent avec facilité, et peu à peu l’intrigue voit le jour. Autour de l’enquête principale, on assiste à la vie quotidienne de la paisible petite ville côtière de Fjällbacka qui cache bien des secrets. Encore une fois, la psychologie des personnages est toute en finesse, et certains portraits sont sans aucune complaisance. Chacun évolue au fil des romans, on retrouve bien sûr Patrick Hedström, flic toujours aussi intègre et fidèle à lui-même, entouré de ses acolytes, les uns efficaces, les autres d’une nullité sans pareil. Et bien sûr, il y a Erica qui vient d’accoucher d’une petite Maja, mais elle est confrontée à une réalité qu’elle n’imaginait pas, bien loin des clichés sur tous les bonheurs qu’est supposée apporter la maternité, au contraire, on la voit se débattre au quotidien avec ce bébé : « Patrick et elle pratiquaient une sorte de philosophie du « survivre minute après minute » avec Maja ». En trame de fond, on assiste aussi à la misérable vie d’Anna, la sœur de Erica, toujours engluée dans un quotidien fait de violence domestique dont elle espère toujours venir à bout pour offrir une vie meilleure à ses enfants, mais la réalité va la rattraper… Quant à Mellberg, il est toujours là, fidèle au poste, mais l’intrusion d’un personnage va chamboulée toute sa petite vie… Et autour de ce petit monde gravitent des personnages directement liés à l’enquête et au meurtre, certains cachant de lourds secrets, d’autres devant faire face à des situations difficilement gérables au jour le jour. A travers l’intrigue Camilla Läckberg aborde la pédophilie, l’autisme, les séquelles d’une vie détruite pendant l’enfance… le tout sans jamais tomber dans le voyeurisme. L’enquête elle-même tient le lecteur en haleine du début à la fin, on passe d’un rebondissement à l’autre sans aucun temps mort. Et les dernières pages nous apportent non seulement les clés du meurtre, mais aussi les prémices d’une nouvelle histoire qui laisse entrevoir un autre très bon moment de lecture. 


dimanche 24 mars 2013

La voix, Arnaldur Indridason




Le Père Noël a été assassiné juste avant le goûter d’enfants organisé par l’hôtel de luxe envahi de touristes, alors s’il vous plaît, commissaire, pas de vagues. C’est mal connaître le commissaire Erlendur. Déprimé par les interminables fêtes de fin d’année, il s’installe à l’hôtel et mène son enquête à sa manière rude et chaotique. Les visites de sa fille, toujours tentée par la drogue, ses mauvaises fréquentations, permettent au commissaire de progresser dans sa connaissance de la prostitution de luxe, et surtout il y a cette jolie laborantine tellement troublante qu’Erlendur lui raconte ses secrets. Le Père Noël était portier et occupait une petite chambre dans les sous-sols depuis vingt ans, la veille on lui avait signifié son renvoi. Mais il n’avait pas toujours été un vieil homme, il avait été Gulli, un jeune chanteur prodige, une voix exceptionnelle, un ange.

Je ne connaissais pas Arnaldur Indridason et n’avais rien lu de lui, mais « La Voix » peut se  lire sans problème indépendamment des précédents.
Ce qu’on peut dire, c’est que, dans cette histoire, la magie de Noël est bien loin. On plonge directement dans une enquête glauque à souhait. De plus, comme le crime a été commis dans un hôtel, l’impression de huis clos est omniprésente, on est oppressé par ce lieu dont on découvre les coins et les recoins, une ambiance lourde et pesante règne du début jusqu’à la fin. L’enquête est remarquablement construite, Indridason nous distillant au compte-gouttes les informations, les rebondissements succèdent aux fausses pistes. La galerie des personnages est étonnante, que ce soit la victime qui d’enfant star devient portier dans un hôtel et endosse le costume de Père Noël, sa sœur et son père, enfermés dans une « non-vie » ou les autres employés de l’hôtel qui ont tous quelque chose à cacher. Quant à Erlendur, le responsable de l’enquête, la complexité de son personnage le rend très attachant, il est bourru à souhait mais terriblement humain. Son passé lui revenant en plein figure à chaque fois qu’il croise sa fille Eva Lind, toujours en proie à ses démons. Leur relation est bien résumée par cette question d’Erlendur : « Eva, est-ce que je t’ai volé ton enfance ? », et sa question s’adresse également, et surtout à lui-même, lui a-t-on volé son enfance ?
En résumé, un bon policier, à l’atmosphère pesante, le tout servi par une écriture d’une grande sobriété qui entraîne le lecteur dans un univers noir de la première à la dernière page.




dimanche 10 mars 2013

Délivrance brisée, Chantal Chawaf




"Ils veulent du coït ! Du coït ! De la partouze pleine de fautes d'orthographe ! On ne lit plus les classiques. La littérature est portée disparue !" Elle haletait comme si elle avait une crise d'asthme. Un matin elle téléphona à l'éditeur : "Pourquoi vous ne m'envoyez pas mon contrat ?" C'était son énième appel, l'éditeur lui répondit qu'elle ne recevrait pas l'argent. [...] Vers deux heures du matin, un appel bref d'Irène m'alerta. "Chérie, je vais mettre le point final." Elle avait avalé les cachets dans un dernier verre de vin.

Lors d’un vernissage d’une exposition de photos, Eliane reconnaît sur un cliché Irène, une amie de jeunesse, écrivaine, qu’elle avait perdue de vue. Leurs vieux liens vont se renouer, et Irène, auteure tombée dans l’oubli, persuadée qu’elle est en train d’écrire "LE" best-seller de sa vie, va appeler Eliane jour et nuit, lui demandant son aide, la refusant… Ses appels sont au diapason de son humeur, parfois elle est sûre d’elle, enjouée et parfois, elle est au bord du gouffre, persuadée que son mari plus jeune qu’elle cherche à la tuer, que son éditeur la persécute… Et les monologues d’Irène laissent filtrer toute son angoisse de se retrouver seule et oubliée de tous, jusqu’au moment où elle "va mettre un point final", sans terminer SON livre. Pour Eliane c’est "une part de moi venait de mourir", elle est hantée par le remord de ne pas avoir pu la sauver. Se présente alors Virginia, riche Américaine envoyée par son éditeur, qui a besoin d’un nègre pour finir son livre, Eliane accepte, pensant ainsi pouvoir guérir sa culpabilité vis-à-vis d’Irène. Au fil des jours se crée entre Eliane et Virginia un lien fait de jalousie, d’admiration. D’un côté Virginia, sûre de son bon droit du fait de sa richesse, et de l’autre, Eliane, qui est là, pense-t-elle, pour faire son mea culpa et être corvéable à merci. Mais peu à peu on se demande qui domine qui, qui a le pouvoir, Virginia ou Eliane ? Virginia est persuadée que sa richesse va lui apporter la gloire, gloire qui passe par la sortie de son livre, d’où des invitations à n’en plus finir, rassemblant tout ce qui compte dans le domaine de l’édition. Et là, on entre dans un milieu où se côtoient pseudo-intellectuels, écrivaillons de toute sorte, attachées de presse… le tout se pressant à "une soupe populaire de grands bourgeois". Et Virginia va tantôt les porter aux nues, tantôt les exécrer, tandis que Eliane va se laisser porter par cette déferlante. Et quand arrive la fin, c’est à nouveau pour Virginia une débauche de voyages, cocktails… Et pour Eliane à nouveau, le vide, l’absence "Que me reste-t-il du rêve de vivre ?".
Chantal Chawaf dresse des portraits assassins sans aucune concession de cette cour qui gravite autour de Virginia et nous décrit un milieu littéraire où "le texte ne joue plus aucun rôle, il suffit de travailler la promotion. Tout est dans le look et dans le réseau", ce qui appelle réflexion… Elle nous fait entrer dans l’intimité de deux femmes que tout oppose mais qui sont tellement semblables de par leur fragilité et leurs doutes, on les aime sans aucune limite : elles sont agaçantes, ridicules mais tellement touchantes. Le tout est servi par un style qui happe le lecteur dès la première phrase sans jamais le lâcher. Un superbe roman à ne manquer sous aucun prétexte.

Merci à Babelio et aux Editions de La Grande Ourse de m'avoir fait découvrir ce joli moment de lecture.


jeudi 14 février 2013

La maison en pain d'épices, Carin Gerhardsen



La Suède est frappée par une série de meurtres barbares. Seul point commun entre les victimes, leur âge : 44 ans. À première vue ces personnes ne se connaissaient pas, mais à mieux y regarder, leurs chemins se sont bel et bien croisés, il y a longtemps, dans la petite ville de Katrineholm. À l'époque, tous fréquentaient la même école. Et le souffre-douleur de la classe s'appelait Thomas Karlsson. Aujourd'hui, Thomas est un homme effacé, asocial, aigri et... toujours en vie. Autant dire le coupable idéal. Surtout qu'il a été aperçu rôdant près du domicile des victimes. Thomas l'avoue, il nourrit encore de la rancune, beaucoup de rancune même, à l'encontre de ses anciens tortionnaires. Seulement ce n'est pas lui qui les a tués, il le jure ! Ils l'ont pourtant roué de coups, humilié, insulté, tyrannisé... Ils ont brisé sa vie. Alors si ce n'est pas lui, qui ? Qui avait un meilleur mobile pour les assassiner ?

Les premières pages font froid dans le dos, tant de cruauté chez des enfants paraît inconcevable, et pourtant… Ce début de roman laisse entrevoir une histoire haletante. Ensuite on retrouve ces enfants à l’âge adulte et là, l’intrigue se met en marche. Mais malheureusement, elle ne tient pas toutes ses promesses, loin s’en faut. Les meurtres succèdent aux meurtres, l’enquête de police n’apporte aucun suspens, celui qui paraît suspect n’est pas coupable bien sûr et peu à peu on devine le dénouement… Une histoire secondaire vient se greffer sur l’intrigue principale : l’enquête que mène Petra Westman pour confondre un violeur en série qui utilise « la drogue des violeurs ». Au cours de cette enquête on prend plaisir à la suivre dans ses recherches, c’est une femme têtue qui veut aller jusqu’au bout, même si elle doit y laisser sa carrière. Dommage que cette  intrigue ne soit que secondaire, car elle donne un rythme au roman. Malheureusement, la conclusion qui y est donnée m’a laissée dépitée, j’attendais un rebondissement qui, même s’il a été suggéré, n’est pas arrivé.
Un autre personnage tire son épingle du jeu : c’est Thomas Karlsson, le principal suspect. C’est une ombre qui passe de page en page, semant un doute raisonnable sur sa non-culpabilité. Avec lui on voit les ravages causés par une enfance saccagée par les sarcasmes et la violence perpétrée par des enfants sur celui qui devient au fil du temps leur tête de Turc. Quant au personnage principal, Sjöberg, je trouve qu’il manque de charisme, son personnage n’est pas assez approfondi, c’est un flic qui se débat entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle, on se lasse vite de ses déboires familiaux. Mais le plus perturbant à mon avis, c’est le journal du tueur, il y décrit tous les sévices qu’il inflige à ses victimes, c’est trop gore à mon goût. Si j’ai lu les deux premiers « récits », j’ai passé systématiquement les suivants, c’était trop pour moi.
En résumé, un livre qui laisse un goût amer quand arrive la dernière page, mais comme c’est le premier d’une trilogie, souhaitons que les suivants seront « un cran au-dessus ».



Cyanure, Camilla Läckberg




Martin Molin accompagne sa petite amie Lisette sur l’île de Valö pour une réunion de famille juste avant Noël. Mais au cours du premier repas, le grand-père, un magnat industriel, meurt étouffé, juste après avoir annoncé à ses enfants qu’il les a déshérités. Martin se rend vite compte qu’il a été assassiné au cyanure. Une tempête de neige fait rage, l’île est isolée du monde et Martin décide de mener l’enquête. Offrant une pause à Erica Falck, Camilla Läckberg tisse un polar familial délicieusement empoisonné.

Dans « Cyanure » nous retrouvons Martin, l’un des équipiers de Patrick Hedström, le personnage fétiche de Camilla Läckberg. Mais ce pauvre Martin se retrouve seul le temps d’un week-end pour résoudre une histoire de meurtre… Un huis-clos qui n’a rien de bien nouveau, on retrouve tous les ingrédients aux histoires de famille avec son lot de secrets plus ou moins avouables, les intrigues des uns et des autres, les non-dits… le tout dans un lieu coupé du monde par une tempête de neige. On a l’impression d’assister à une partie de Cluedo, et lorsqu’arrive la fin, on a le droit à un « Bon sang, mais c’est bien sûr » digne d’un commissaire Bourrel et de ses « Cinq dernières minutes » !
Et même s’il n’y a rien de neuf dans ce style d’intrigue, c’est un livre qui se laisse lire d’une seule traite sans pour autant s’ennuyer.