dimanche 29 novembre 2015

Pièges et sacrifices, Roger Smith


Gonflé  aux stéroïdes, le fils de Mike Lane, un riche Blanc du Cap, vient d’assassiner la fille qu’il a ramenée chez lui. Pas question pour sa mère que la police l’arrête et l’expédie à Pollsmoor, une prison dont il n’aurait que très peu de chances de ressortir vivant. Sans vergogne, elle accuse le fils de sa femme de ménage. Faible, Mike ne dit rien. Quant à la police, elle est trop heureuse de résoudre le meurtre et marche dans la combine.
Mais la femme de ménage a aussi une fille… et cette fille, elle, ne lâchera pas tant qu’elle n’aura pas rétabli la vérité. Dans une Afrique du Sud où les rapports Noirs-Blancs sont toujours tendus et où la police n’aime pas trop qu’on mette le nez dans ses affaires, l’histoire risque fort de mal finir…
Roman noir empli de pièges et de personnages perdus, Pièges et Sacrifices est une toile d’araignée machiavélique.

Machiavélique, c’est vraiment le mot qui, pour moi, résume ce livre. En fait, tout est une question de choix, c’est ce que va nous démontrer Roger Smith dans ce roman. L’action se déroule en Afrique du Sud, au Cap, dans une banlieue huppée, où caméras de surveillance et gardes privés sont légions. L’histoire met en scène d’un côté Michael Lane, un libraire, sa femme Beverley, femme d’affaires et leur fils Christopher, gloire montante du rugby. De l’autre côté, il y a Denise, la femme de ménage des Lane, Louise sa fille et Lyndall son fils. Un soir, Chris, va tuer la jeune femme qu’il a ramenée chez lui, et là le cauchemar commence pour tous les protagonistes. Beverley qui a l’ascendant sur son mari, réussit à le convaincre de faire accuser Lyndall, petite frappe sans envergure, une version qui arrange bien la police. Mais c’est sans compter l’acharnement que va mettre Louise à découvrir la vérité. Le personnage de Louise est un personnage très fort, sa relation  avec Mike est quasi filiale, elle lui voue admiration et respect, c’est grâce à lui qu’elle a pu faire des études et s’élever socialement. Mais elle est opiniâtre, elle est prête à tout pour faire éclater la vérité et elle nous fera plonger dans cette Afrique du Sud où malgré la fin de l’apartheid, les blessures ne sont pas refermées et où les discriminations ont pris d’autres formes. Et peu à peu, elle révèlera mensonges et secrets, et le cauchemar infernal ne s’arrêtera pas.
Cette histoire est machiavélique, elle nous met face à des personnages qui sous leur vernis, sont prêts à tout pour conserver ce qu'ils ont pu acquérir, que les choix qu'ils ont faits à un moment ou un autre, bons ou mauvais, les mènent là où ils sont aujourd'hui, que rien n'est dû au hasard. C’est un roman très sombre, âpre et violent,  qui laisse peu de place à l'espoir, on  se demande où est passé ce peuple "Arc en ciel" dont on a tant entendu parlé. On sort de cette histoire réellement sonné tant les personnages sont justes et le style de Roger Smith parfait pour cette histoire impitoyable. Un excellent polar comme je n'en avais pas lu depuis longtemps. 

Tromper la mort, Maryse Rivière


Pas assez d’eau pour noyer un homme, pas assez de bois pour le pendre, pas assez de terre pour l’enterrer... Rattrapé par l’âpreté de l’Irlande, le libraire de Montmartre pourra-t-il échapper à son destin ? Traqué par les polices française et irlandaise, son spectre se fond dans les tourbières, se confond aux brumes, se morfond dans les pubs... Ombres et lumières des légendes celtiques, mystères de l’âme irlandaise, au coeur de l’action policière...


J’avais hâte de découvrir ce « Prix du quai des orfèvres 2015 », qui pour mon plus grand plaisir se déroulait en grande partie en Irlande. Pour résumer sans trop dévoiler de l’intrigue, on suit la cavale d’un serial killer en Irlande, avec à ses trousses un flic parisien. On y croise des anciens terroristes de l’IRA devenus malfrats après la signature de « la paix ». Tous les ingrédients sont là pour faire de cette histoire un roman captivant, mais malheureusement, je trouve que rien ne décolle vraiment. La psychologie des personnages est un peu juste, l’intrigue pas très convaincante, et quand arrive la fin, on reste avec un sentiment de pas tout à fait abouti. Par contre l’Irlande est là, envoûtante, Maryse Rivière en fait un personnage à part entière et on prend plaisir à cette balade irlandaise. Pas un grand polar mais le style simple et sans fioritures de Maryse Rivière en fait un roman que l’on lit sans déplaisir.

dimanche 1 novembre 2015

Affaire classée, Danielle Thiery

Une paire de souliers taille 26 - des souliers rouges de petite fille....
A l’heure où elle veut changer de vie, le commissaire Edwige Marion les trouve posés sur sa boîte aux lettres, comme un vieux souvenir : c’était sa première enquête et, par manque d’indices, elle avait dû conclure à l’accident...
Qui lui envoie aujourd’hui ce message et pourquoi ?
En attendant de le découvrir, Marion va une nouvelle fois faire l’expérience que l’oubli n’existe pas : les blessures mal refermées du passé viennent hanter les vivants.
Avec son courage et ses doutes, elle n’aura d’autre choix que d’aller jusqu’au bout.
Au risque de sa vie.


J’ai été attirée par ce roman écrit par Danielle Thiery, ancienne commissaire divisionnaire et première femme de l’histoire de la police Française à accéder à ce grade, je trouvais qu’elle était « bien placée » pour écrire sur ce « cold case ». Par contre, je n’avais rien lu de l’auteure et je ne savais pas que le personnage principal, Edwige Marion, avait fait l’objet d’un autre opus, mais ça n’a pas dérangé trop ma lecture, si ce n’est lors des références à son passé personnel. L’intrigue est bien ficelée mais je regrette son rythme plutôt lent, car elle est entrecoupée de passages consacrés à la vie personnelle d’Edwige Marion. A mon sens, ces passages n’apportent rien de plus à l’enquête et fait apparaître le personnage, parfois, un peu trop caricatural. Autour d’Edwige Marion gravitent de nombreux personnages secondaires tant dans sa vie professionnelle que dans sa vie personnelle, et on a un peu de mal à s’y retrouver. Je reste donc mitigée sur ce roman, l’intrigue est intéressante mais le manque de fluidité est pour moi un obstacle pour être passionnée du début à la fin, et il manque là-aussi un petit quelque chose qui aurait pu en faire un bon polar captivant.


Substitutions, Tania Carver

Colchester, dans l’Essex. C’est un double meurtre particulièrement horrible qui attend l’inspecteur détective Philip Brennan lorsqu’il arrive sur la scène de crime : il découvre les corps de deux femmes sauvagement assassinées. L’une gît sur le sol de l’entrée, baignant dans son sang, l’autre est attachée sur son lit, les yeux révulsés, le ventre ouvert. La victime était enceinte, sa grossesse presque à terme. Et tout porte à croire que le tueur a extrait et emporté le fœtus… Personne ne peut imaginer quelle sorte de fou est capable de commettre des actes aussi monstrueux. Quand la psychologue Marina Esposito est affectée à l’enquête, ses conclusions font l’effet d’une bombe : une femme est impliquée dans l’affaire. Une femme désespérée de ne pas avoir d’enfant…

Après avoir lu toutes les bonnes critiques concernant ce roman, je me suis lancée. C’est vrai,  l’intrigue est là, les personnages aussi, mais… il manque un petit quelque chose pour que ce soit vraiment captivant, haletant. Même si on ne s’ennuie pas à sa lecture, je trouve qu’il  n’y a rien de nouveau, que parfois les situations et les réactions des personnages sont un peu tirées par les cheveux. La fin elle-même n’est pas étonnante, on se doute avant la conclusion de qui est qui et pourquoi. Dommage !





Les chiens de Belfast, Sam Millar


En 1978, à Belfast, une femme est violée puis tuée par des inconnus, son cadavre laissé en pâtures aux chiens errants. Nul n’a payé pour ce crime horrible. Mais vingt ans plus tard, une mystérieuse blonde sème les cadavres un peu partout en ville… Pour Karl Kane, détective privé qui enquête sur l’une des victimes, il vaudrait mieux ne pas barrer la route à ce qui a tout l’air d’une vengeance en règle.

Dès les premières pages, on est plongé dans l’horreur avec le viol et l’assassinat d’une jeune femme par 5 hommes. Pendant vingt ans, personne ne sera inquiété pour ce crime, jusqu’au jour où un homme pousse la porte du détective privé Karl Kane pour lui demander d’identifier un cadavre retrouvé dans un jardin botanique. A partir de là, les événements vont s’enchaîner et Karl Kane va se trouver mêler à une affaire qui le fera plonger dans l’horreur, le ramènera dans son propre passé et fera ressurgir des blessures qui ne sont pas effacées. Tout ça pourrait bien paraître du "déjà-vu", mais c'est sans compter le talent de Sam Millar ! Karl Kane n’a rien du héros invincible : il est en conflit avec son corps et son esprit, se pose beaucoup trop de questions, mais il est doté d’un humour qui frise le cynisme et c’est réjouissant. Il est entouré d’une galerie de personnages auxquels on s’attache très rapidement comme Naomi sa secrétaire et d’autres qu’on déteste aussi rapidement. Quant à l’intrigue, elle est finement menée, sans temps morts, mais on est très loin de l’univers des Bisounours :  violence et cruauté sont les maîtres-mots de ce roman et certaines descriptions peuvent être difficilement supportables. C’est un roman noir, vraiment noir et haletant qui ne laisse aucun répit au lecteur. C’est aussi le premier tome d’une trilogie avec Karl Kane comme personnage récurrent, à suivre donc ! Et s’il n’a pas la «dimension» politique des «Fantômes de Belfast» de Stuart Neville, il n’en reste pas moins un gros coup de cœur. Et merci à «Passion Polar», le blog d’une petite souris qui m’a fait découvrir cet auteur !

dimanche 25 octobre 2015

Les Lumineuses, Lauren Beukes

1931, Chicago. Traqué par la police, Harper Curtis, un marginal violent, se réfugie dans une maison abandonnée. À l’intérieur, il a une vision. Des visages de femmes, auréolés de lumière, lui apparaissent. Il comprend qu’il doit les trouver… et les tuer. Dans sa transe, Harper découvre que grâce à cette demeure, il peut voyager dans le temps. Débute alors sa croisade meurtrière à travers le XXe siècle : années 1950, 1970, 1990… D’une décennie à l’autre, il sème la mort sur son passage, laissant en guise de signature des indices anachroniques sur le corps de ses victimes. 
Mais l’une d’elles survit aux terribles blessures qu’il lui a infligées. Et va tout faire pour le retrouver.

Voici un roman envoûtant, qui oscille entre science-fiction et thriller et qui devient très vite addictif. Nous suivons Harper, tueur en série, à travers tout le XXe siècle. Kirby, sa première victime, est une enfant lorsqu’elle croise le chemin de Harper qui la laisse pour morte. Mais, devenue adulte et apprentie journaliste, elle entreprend de comprendre ce qui lui ait arrivé et en menant l’enquête, elle s’aperçoit qu’elle n’est pas la seule victime du tueur et elle va faire des découvertes les plus surprenantes les unes que les autres. En suivant sa quête, nous allons faire un haletant voyage émaillés d’aller et retour dans le temps et découvrir Chicago des années 20 à nos jours. Avec les portraits de toutes ces femmes victimes de Harper, Lauren Beukes dessine avec émotion et humour des personnages atypiques et attachants, témoins de leur condition de vie et de leur époque. Les chapitres courts ne laissent pas de répit au lecteur, et il est difficile de lâcher ce livre. La fin est surprenante et laisse songeur mais sans pour autant décevoir. Une belle découverte et une auteure à suivre sans aucune modération.





dimanche 27 septembre 2015

Les fantômes de Belfast, Stuart Neville

Signé le 10 avril 1998, l’Accord de Paix pour l’Irlande du Nord a mis un terme à des années de guerre sanglante. Pourtant les anciennes haines n’ont pas totalement disparu. Depuis qu’il est sorti de prison, Gerry Fegan, ex-tueur de l’IRA, est devenu dépressif et alcoolique. Il est hanté par les fantômes des douze personnes qu’il a assassinées et ne connaît plus le repos. Le seul moyen de se débarrasser de ces ombres qui l’assaillent est d’exécuter un par un les commanditaires des meurtres. Dont certains sont aujourd’hui des politiciens en vue dans la «nouvelle Irlande». Gerry Fegan est devenu dangereux, il faut s’en débarrasser. Une double chasse à l’homme commence...

La guerre est terminée en Irlande du Nord, un nouvel équilibre tente de s’installer. Après une dizaine d’années de détention, Gerry Fegan sort de prison. Rongé par la culpabilité, il est hanté par les fantômes des victimes de son dernier attentat, ils les appellent "les suiveurs". Peu à peu "les suiveurs" deviennent si réels que Fegan ne voit d'autre solution que de les venger en tuant ses anciens acolytes qui ont orchestré l'attentat et il espère ainsi trouver la rédemption. Mais avec la fin de la guerre, certains de ses anciens "partenaires" se sont reconvertis en politiciens en quête de respectabilité et d’autres sont devenus des gangsters plutôt prospères. Alors, la vengeance de Fegan va déranger beaucoup de monde et mettre en péril le fragile processus de paix. Il va devenir l’homme à abattre. Stuart Neville nous entraîne dans l’après-guerre civile nord-irlandaise, il nous dévoile ses enjeux, sa violence omniprésente et ses anciens militants toujours dévoués à leur cause qui peinent à trouver leur place dans cette nouvelle donne. Il porte un regard sans concession sur cette Irlande qui tente de se reconstruire mais dont les bases sont si fragiles qu’elles risquent de s’effondrer à la moindre tension. Un roman haletant, qui nous happe dès les premières pages. Le rythme est rapide, la violence et la tension présentes à chaque page, c’est terriblement efficace. Gros coup de cœur. Un auteur à suivre.

La disparition d’April Latimer, Benjamin BLACK

Dans la société dublinoise conservatrice des années 1950, April Latimer, jeune interne en médecine rebelle et indépendante, laisse dans son sillage un parfum de scandale. Quand Phoebe Griffin, sa meilleure amie, découvre qu’elle a disparu depuis une semaine, elle redoute le pire... et demande à son père, le brillant mais imprévisible médecin légiste Quirke, de l’aider à retrouver sa trace. Une histoire trouble qui lève le voile sur de terribles secrets mêlant sauvagerie familiale, cruauté religieuse et haine raciale.
Benjamin Black est le pseudonyme de John Banville, écrivain irlandais récompensé en 2005 par le Booker Prize pour La Mer.


Cette disparition d’April Lartimer semblait cacher bien des secrets, mais l’ensemble est très lent, le suspens quasi inexistant. En fait, l’enquête sert de prétexte à Benjamin Black pour dresser un portrait de la société irlandaise de cette époque. Et si on met de côté l’aspect « roman noir » et qu’on se laisse entraîner dans les rues de Dublin en suivant Phoebe et son père, on rencontre des personnages hétéroclites. On se réjouit de ces portraits qui prennent vie sous la plume très acérée de Black qui ne fait aucune concession, il égratigne avec plaisir cette société irlandaise étriquée qui ne laisse pas de place à la fantaisie. Et ses descriptions du Dublin des années 50 créent une atmosphère si particulière que l’on est engloutit peu à peu dans cette bruine omniprésente. Il ne faut pas chercher le frisson d’angoisse dans ce roman mais il faut plutôt se laisser envoûter par cette atmosphère et ces personnages que Black nous peint de façon si habile et non dénuée d’humour.



dimanche 28 juin 2015

La sentence de juillet, Jean-François Leblanc

Montréal. Juillet 2012. Les étudiants manifestent en pleine canicule. Le cadavre de Catherine Grégoire est retrouvé transpercé de clous sur le toit d’un chantier de construction de l’arrondissement de verdun. Le crime appelle le crime, réveille les souvenirs tragiques et douloureux d’un infanticide particulièrement horrible. Jean Royer, Sergent-détective, vedette montante du SPVM, est chargé de l’enquête. Il sillonne la ville, avec le médecin légiste Raphaël Simard et le procureur criminel David Egan, sa Volvo C-30 baignée de jazz. Quel est le lien entre Robert Grégoire, le propriétaire des entreprises de construction Grégoire et Fils Inc., également père de la victime et ce meurtre abject ? Serait-ce la chaleur de l’été 2012 ?

Pas simple de chroniquer ce livre, je suis très mitigée. L’histoire en elle-même est captivante, le personnage de Jean Royer attachant, mais j’ai trouvé ça long, ça ne décolle pas. L’auteur nous noie dans des descriptions qui, à mon avis, n’apportent rien à l’intrigue, au contraire, elles alourdissent l’ensemble. Rien à redire sur le fond ou le déroulement de l’enquête et le dénouement est excellent, mais je me suis ennuyée, j’ai passé pas mal de pages pour conserver l’intérêt de l’histoire. Dommage, tous les ingrédients étaient là pour moi pour passer un bon moment de lecture mais je ne suis pas réceptive à ce style.

Merci à Babelio et aux Editions La Valette.


lundi 6 avril 2015

Sacrifices, Pierre Lemaître

"Un événement est considéré comme décisif lorsqu’il désaxe complètement votre vie. Par exemple, trois décharges de fusil à pompe sur la femme que vous aimez". Anne Forestier, la nouvelle compagne du commandant Verhoeven, est l’unique témoin d’un braquage dans une bijouterie des Champs-Elysées. Elle a été violemment tabassée et laissée pour morte. Atmosphère glaçante, écriture sèche, mécanique implacable : Pierre Lemaitre a imposé son style et son talent dans l’univers du thriller. Après "Alex", il achève ici une trilogie autour du commandant Verhoeven, initiée avec "Travail soigné". Par l’auteur de "Au revoir là-haut", prix Goncourt 2013.


Et voici "Sacrifices" le dernier volet de la trilogie mettant en scène Camille Verhoeven, petit commandant de police, petit par la taille mais pas par le talent. Encore une fois, Pierre Lemaître arrive à nous surprendre et à nous tenir en haleine tout au long du roman. Comme dans "Travail soigné", la machinerie est parfaite et implacable, le rythme est haletant, et le personnage de Verhoeven est encore plus ciselé que dans les deux précédents opus. On le retrouve amoureux de Anne qui va être témoin d’un braquage dans une bijouterie et passée à tabac par un des braqueurs qui n’aura de cesse de la poursuivre. Verhoeven va alors faire cavalier seul au mépris le plus total de sa hiérarchie et des règles, il va mener son enquête, et pour cela, il va manipuler aussi bien les flics que les truands. Il sera toujours en équilibre instable, prêt à franchir la limite qui le fera tomber du mauvais côté. Et d’un simple braquage, Pierre Lemaître va nous entraîner dans une intrigue aux rebondissements totalement imprévisibles, il fait tomber toutes les certitudes que l’on aurait pu avoir sur la fin de l’enquête. Il sait créer une tension qui rend le lecteur totalement addict à l’histoire. Après "Travail soigné" et "Alex", "Sacrifices" met un point final à cette trilogie de façon magistrale, et je regrette déjà ces 145 cm de flic atypique !


Travail soigné, Pierre Lemaître

Dès le premier meurtre, épouvantable et déroutant, Camille Verhoeven comprend que cette affaire ne ressemblera à aucune autre. Et il a raison. D’autres crimes se révèlent, horribles, gratuits… La presse, le juge, le préfet se déchaînent bientôt contre la "méthode Verhoeven". Policier atypique, le commandant Verhoeven ne craint pas les affaires hors normes mais celle-ci va le placer totalement seul face à un assassin qui semble avoir tout prévu. Jusque dans le moindre détail. Jusqu’à la vie même de Camille qui n’échappera pas au spectacle terrible que le tueur a pris tant de soin à organiser, dans les règles de l’art… Prix Cognac, 2006.


J’avais été largement conquise par "Alex", ma première lecture de Pierre Lemaître et comme "Alex" est le second opus de la trilogie, il me fallait lire le premier pour voir si mon enthousiasme allait se confirmer ou pas. Et bien oui ! Pierre Lemaître m’a emportée une nouvelle fois dans son monde et même si au départ, je trouvais le roman "simple", cette impression a été de courte durée. L’auteur nous impose peu à peu un rythme bien pesé, angoissant, tout est dans la maîtrise : les personnages, l’intrigue, le suspens. Il est vrai que Camille Verhoeven et son équipe sont confrontés à une série de crimes hors normes de part leur cruauté et chaque piste qui se présente les mènent à une impasse. Ils sont dépassés par ce tueur méthodique qui les manipule, qui pénètre dans leur vie. L’efficacité de Verhoeven est remis en cause et même sa vie personnelle va se trouver bouleversée par cette affaire. Les scènes de crime sont particulièrement violentes et leurs descriptions plutôt difficiles à lire, et si elles nous plongent dans une folie sans limite, elles contribuent également à maintenir cette angoisse qui nous étreint du début à la fin et ne nous laisse aucun répit. Et ce polar mérite son titre, car c’est un bien un "Travail soigné" que nous livre Pierre Lemaître. A lire sans aucune modération.

dimanche 15 mars 2015

La mort s'invite à Pemberley, P.D. James

Rien ne semble devoir troubler l’existence ordonnée et protégée de Pemberley, le domaine ancestral de la famille Darcy, dans le Derbyshire, ni perturber le bonheur conjugal de la maitresse des lieux, Elizabeth Darcy. Elle est la mère de deux charmants bambins; sa sœur préférée, Jane, et son mari, Bingley, habitent à moins de trente kilomètres de là; et son père adulé, Mr Bennet, vient régulièrement en visite, attiré par l’imposante bibliothèque du château. Mais cette félicité se trouve soudain menacée lorsque, à la veille du bal d’automne, un drame contraint les Darcy à recevoir sous leur toit la jeune soeur d’Elizabeth et son mari, que leurs frasques passées ont rendu indésirables à Pemberley. Avec eux s’invitent la mort, la suspicion et la résurgence de rancunes anciennes.

Je suis fan d’"Orgueil et préjugés"  et quand j’ai vu que je pouvais retrouver les personnages du roman de Jane Austen dans un thriller, je n’ai pas hésité, surtout que je ne connaissais pas P.D. James et que l’occasion était trop belle pour la découvrir. Mais malheureusement, il ne reste rien de l’atmosphère si particulière de Jane Austen, sa façon de nous transporter dans une époque, d’évoquer les sentiments de personnages tout en nuances. Car si Lizzie et Darcy sont bien présents, ils n’ont plus la même consistance ni la même aura que dans le roman de Jane Austen. Elizabeth est devenue une mère de famille effacée, on ne retrouve pas la fougue dont elle faisait preuve. Le personnage de Darcy paraît bien fade lui-aussi, il a perdu son arrogance légendaire et son charme. En fait, Pemberley et ses habitants ne servent que de "théâtre" à un thriller qui lui non plus ne m’a pas passionnée. L’intrigue est lente, trop convenue et se déroule sans suspens, les personnages sont plus spectateurs qu’acteurs de ce qui se passe. Et même si le style n’est pas désagréable, c’est une lecture sans passion. Fans de Jane Austen, passez votre chemin, et quant à moi, il me faudra un autre roman de P.D. James pour me faire vraiment une idée de cette auteure.





samedi 21 février 2015

Viscères, Mo Hayder

Et si votre pire cauchemar recommençait ? Une nouvelle enquête de Jack Caffery.
Il y a quinze ans, deux amoureux ont été retrouvés sauvagement éviscérés dans le bois attenant à la maison de campagne des Anchor-Ferrers. Le principal suspect, qui a avoué les crimes, est depuis sous les verrous. Mais aujourd’hui, alors que Oliver, Matilda et leur fille, Lucia, n’ont pas oublié cette découverte macabre, l’histoire se répète, plongeant la famille dans la terreur. 
En grand peintre de l’angoisse, Mo Hayder nous livre une série de tableaux sanglants, dans lesquels le commissaire Jack Caffery, toujours hanté par la disparition de son jeune frère, est plus vulnérable que jamais.

J’irai droit au but : gros coup de cœur pour ce dernier roman de Mo Hayder, son esprit tortueux a encore frappé !
Elle met en parallèle deux intrigues, et l’on sait pertinemment qu’un moment ou un autre, les deux vont se fondre en une seule, mais quand et comment…
D’un côté, nous avons la famille Anchors-Ferrers qui est dans sa résidence secondaire du Somerset. Des années plus tôt cette famille avait été témoin de la mise en scène macabre de l’assassinat de deux jeunes amoureux et même si le coupable avait été arrêté, leur vie en avait été bouleversée. Et aujourd’hui Oliver, le père, Matilda, la mère et Lucia, la fille, se retrouvent face à cette même horreur et la terreur les gagne peu à peu. Mais arrivent les inspecteurs de police Molina et Honey qui enquêtent sur un autre crime…
De l’autre côté nous retrouvons Jack Caffery, toujours fidèle à lui-même, hanté par la disparition de son jeune frère, victime d’un pédophile qui est mort en emportant avec lui le secret de cette disparition. A aucun moment durant toutes ces années, Caffery n’a réussi à réunir suffisamment de preuves pour faire inculper celui qu’il juge responsable de cette disparition et aujourd’hui, sans plus aucun témoin, il est totalement désemparé de ne pas trouver le moindre indice qui pourrait l’aider à relancer son enquête. Et quand une piste apparaît, il se retrouve à nouveau confronter au Marcheur, ce vagabond dont la fille a été assassinée elle aussi par un pédophile des années auparavant. Le Marcheur lui propose un deal : il a recueilli une petite chienne errante, si Caffery retrouve ses propriétaires, il lui dira ce qu’il veut savoir…
Et à partir de là, Mo Hayder va nous balader d’une intrigue à l’autre, ses chapitres courts donnent un rythme infernal au roman. L’angoisse et la tension vont crescendo et le lecteur est entraîné dans une spirale infernale de la première à la dernière page. Les personnages se dévoilent peu à peu, leur noirceur ou leurs failles sont mises à jour, et les convictions du lecteur s’écroulent sous la plume implacable de Mo Hayder. Le tout se termine en apothéose et l’on ne peut que saluer une fois encore la maestria de Mo Hayder. 
Merci aux Presses de la Cité et à Babelio
pour cet "haletant" moment de lecture.

      

dimanche 25 janvier 2015

Broken, Karin Slaughter

Le corps d’une jeune femme assassinée de manière atroce est découvert dans un lac du Comté de Grant.
Quelques heures plus tard, Tommy Braham, l’assassin présumé, un attardé mental, est arrêté après avoir grièvement un policier lancé à ses trousses. Incarcéré, il passe aux aveux et se suicide dans sa cellule. Sur les murs, son ultime message, comme un appel au secours : « Pas moi ».
Sara Linton, l’ancien médecin légiste du Comté de Grant, retourne pour la première fois dans la ville où son mari policier a été tué. Rongée par la culpabilité car Tommy a été l’un de ses patients, Sara se lance dans une enquête désespérée, persuadée que les enquêteurs locaux cachent la vérité.
Elle demande l’aide de Will Trent, l’agent fédéral du Georgia Bureau of Investigation : les deux enquêteurs vont devoir se confronter à des policiers corrompus et impitoyables.
Ainsi qu’à un redoutable tueur...

Fan de Karin Slaughter et après l'excellent Genesis, j’ai pris avec délectation ce Broken… Sara Linton est de retour à Heartsdale pour une réunion de famille. Elle ne veut y faire que l’aller-retour car si c’est cette ville qui l’a vue grandir, c’est là aussi qu’est mort son mari Jeffrey, et que vit toujours Lena Adams, celle qui, pour Sara, est responsable de la mort de Jeffrey. Mais les choses ne vont pas être aussi simples. Lorsqu’elle apprend qu’une jeune étudiante est morte assassinée, elle veut rester loin de l’enquête. Mais quand le principal suspect est un de ses anciens patients et qu’il se suicide en prison, elle fait appel directement à Will Trent pour l’aider à résoudre cette affaire. Une première : Will ne pourra pas compter « physiquement » sur Faith qui est enceinte et qui lui apportera son aide de loin. Et l’enquête va s’avérer complexe pour lui, car bien des choses ont changé au bureau du shérif depuis le décès de Jeffrey. Celui qui le remplace est un alcoolique, c’est le coéquipier de Lena et la relation qui les unit est floue, chacun cherchant à tirer partie de l’autre. L’enquête avance peu à peu mais sans tenir en haleine comme sait si bien le faire Karin Slaughter habituellement. Elle s’attache aux relations entre les personnages mais c’est au détriment du rythme de l’intrigue. Et quand arrive la fin, déception : le dénouement surgit de nulle part et on cherche le lien avec le reste. Ce qui m’a manqué le plus et que j’attendais avec impatience, c’était la confrontation entre Sara et Lena, et là, rien, pas le moindre échange. Même si ce livre reste agréable à lire, il n’en reste pas moins que c’est loin d’être le meilleur de Karin Slaughter et qu’il me laisse un goût amer. Attendons donc le prochain. 

    


mercredi 14 janvier 2015

Ces instants-là, Herbjorg Wassmo

Elle grandit dans le nord de la Norvège, entre une mère insaisissable mais présente, une petite soeur qu’elle protège, un père qu’elle méprise avant de le haïr. Elle n’est pas coupable du mal qu’il lui fait. 
Puis elle aime le rock, la danse, les mains de l’apprenti électricien. Elle surnage face à la honte, part à la ville étudier. Son père est loin, c’est bien, mais son jeune fils aussi est loin. 
Elle lit, et brave son silence dans l’écriture. Elle se marie, publie, devient écrivain. Se bat pour sa liberté et son droit à vivre comme elle le souhaite. 
Avec pudeur et sans fard, Herbjørg Wassmo raconte ce qui fait une vie, en la présence majestueuse du Grand Nord.


J’ai commencé ce roman en étant très enthousiaste, j’avais lu de très bonnes critiques sur l’ensemble de l’œuvre de Wassmo et j’avais hâte de la découvrir. Mais au bout de quelques pages, j’ai eu du mal avec le style, avec le personnage. J’avais l’impression que cette femme qui se raconte était totalement en dehors de sa vie, qu’elle en était simplement spectatrice. Je continuais à découvrir la vie de la narratrice mais sans jamais éprouver de plaisir à cette lecture. Je trouvais l’ensemble sans émotions, sans sentiments, surtout par le fait qu’elle ne donne pas de nom à ses personnages : le garçon, la fille… J’ai mis le livre de côté, déçue en me disant que je reviendrai dessus plus tard. Ce que j’ai fait… et là, peu à peu, le miracle a opéré, j’ai été happé par la musicalité des mots et des phrases et j’ai enfin découvert un personnage, qui loin de ne rien ressentir, était au contraire une femme à fleur de peau : « Elle essaie aussi de dessiner ses rêves. Mais c’est démoralisant. Soit trop moche soit trop bête. Lui rappelle combien elle est lâche et fuyante. On dirait qu’elle ne fait qu’attendre. Elle patauge dans sa vie et attend ». Au fil des pages, on partage sa vie : son enfance, le collège, ses études d’institutrice, ce fils arrivé « par hasard », son mari, sa fille… avec toujours la même ombre au-dessus d’elle : son père… Et puis elle découvre la poésie et l’écriture et va devenir une auteure reconnue aussi bien du milieu littéraire que du grand public. Elle est arrivée enfin au bout de sa quête et à se fabriquer ce destin dont elle disait « rien ne sert de croire au destin, il faut le fabriquer soi-même ». Un très beau portrait de femme porté par un style qui sous son apparente rudesse, est empreint de sensibilité et de poésie. 

Merci aux Editions Gaïa et à Price Minister